La Bourgogne, riche de son patrimoine naturel mais aussi bâti, des châteaux forts aux cadoles, en passant par les abbayes et les cathédrales
LA GLOIRE D’UNE PRINCESSE
Son nom est inconnu, de même que son titre exact. Elle fascine par le mystère qui l’entoure, autant que par l’éclat des attributs de son rang. Elle était puissante, assurément, et sa richesse était l’expression de sa puissance. Elle portait un magnifique torque d’or, lorsqu’elle fut découverte, en 1953, dans sa tombe inviolée depuis plus de 2500 ans. Par référence à une localité voisine, on la nomme « la princesse de Vix ».
On la trouva entourée de multiples objets, parmi lesquels figure le plus grand vase de bronze que l’Antiquité nous ait laissé. Haut de 164 cm, orné de bustes de gorgones et d’une frise en relief représentant des chars de guerre accompagnés chacun d’un hoplite (guerrier à pied), il a certainement été fabriqué en Grande Grèce, c’est-à-dire dans l’actuelle Italie du Sud. Cet objet exceptionnel a probablement été offert à la dame de Vix en hommage à sa puissance, basée sur la domination de l’une des principales routes de l’époque, celle de l’étain, qui suivait la vallée de la Seine. Le « trésor de Vix » peut aujourd’hui être admiré dans une reconstitution minutieuse de la tombe de sa propriétaire, au musée de Châtillon-sur-Seine.
La Bourgogne a été, de par sa situation géographique, au cœur de l’épopée celte. C’est en Bourgogne que se sont déroulés les épisodes décisifs de la conquête de la Gaule par Jules César, et ce n’est pas un hasard. La civilisation celte a produit, ici, des splendeurs de premier ordre. Le trésor de la princesse de Vix, les ex-voto des sources de la Seine, les fortifications de Bibracte témoignent du rayonnement, voilà 2000 à 2500 ans, de notre région. Autun et Sens ont gardé les tracas majestueuses de leur passé gallo-romain. Et pour vous faire traverser, en un éclair, les siècles, depuis ces temps obscurs des chasseurs de Solutré, bien avant l’arrivée des premiers Gaulois, jusqu’au baptême de la Bourgogne à l’aube du Moyen âge, l’Archéodrome vous attend
au bord de l’autoroute A6.
LA PUISSANCE DE BIBRACTE
Cinq siècles après la princesse de Vix, une autre grande Fibule en bronze puissance gauloise s’était implantée au cœur de la Bourgogne actuelle : le peuple des Eduens avait établi sa capitale, Bibracte, sur le Mont Beuvray, dominant, depuis le Morvan, les passages entre tous les grands bassins fluviaux entourant la Bourgogne. Abandonnée au profit d’Autun, au cours du 1er siècle de notre ère, Bibracte ne survécut que dans la légende et dans une foire aux bestiaux annuelle sur le Morit Beuvray. Depuis un siècle et demi, grâce à la passion des archéologues, la ville enfouie livre petit à petit ses secrets. Vision spectaculaire que celle du tronçon des remparts reconstitué dans la technique d’origine, au lieu-dit « la Porte du Rebout » troncs d’arbres croisés, fixés par des clous énormes, squelette d’un immense rempart de terre recouvert de pierre granitique ! Un cheminement sous des arbres aux formes fantasques, survivances de ces anciennes haies plessées du temps où il fallait protéger prés et récoltes du bétail, conduit au « centre ville ». Ici, les choses sont plus évidentes. Au milieu de la grande rue, un bassin monumental de granite, de tradition grecque, marque le cœur de la cité. Tout autour, on commence à deviner, au fil des fouilles, les rues latérales, les quartiers, les maisons avec leurs caves. Plus loin, dans une clairière, on découvre les vestiges de vastes et luxueuses maisons à la romaine. Sur le flanc sud-ouest, de nombreuses fontaines, dont celle, largement aménagée, de Saint-Pierre. Et sur la terrasse de la Chaume, une table d’orientation aidant à déchiffrer le vaste panorama du Sud Morvan qui s’ouvre devant le promeneur, aboutissement enchanteur de la plus champêtre des promenades. Pour comprendre véritablement la vie à Bibracte et le rayonnement de la cité, la visite intègrera celle du Musée de la civilisation celtique, implanté sur le flanc de la montagne, et qui est lui-même une oeuvre d’art. Son but est de replacer la connaissance de Bibracte dans son contexte européen. Sur deux étages, le visiteur découvre, de manière vivante, la vie quotidienne, les croyances et les institutions de la Gaule indépendante, mais aussi des autres peuples celtes. Des expositions temporaires complètent la présentation et des visites guidées à heure fixe, du printemps à l’automne, rendent l’approche du site comme du musée encore plus vivante.
ALESIA 52 Av. J.c.!
S’il y a un événement historique qui a fait, à lui seul, basculer le destin de la France, c’est bien la bataille d’Alesia. Ici, autour de cette colline où s’étire maintenant le paisible village d’Alise-Sainte-Reine, se sont déroulés, en 52 av. J.-C., le siège, puis la bataille qui ont permis à Jules César d’intégrer toute la Gaule dans l’Empire romain. Mais pour y parvenir, il lui fallut des semaines de siége et l’aménagement de deux lignes de fortifications longues respectivement de 15 et de 21 km, enfermant les Gaulois assiégés et protégeant l’armée romaine de ceux qui tenteraient de les délivrer. Des travaux herculéens dont les traces se devinent encore dans le paysage.
LA SEINE : UNE SACREE SOURCE
La Seine prend sa source en Bourgogne, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Dijon, au creux d’un vallon boisé qui entaille le plateau calcaire. Conformément aux coutumes des Gaulois, qui vénéraient les sources, fontaines et résurgences comme lieux sacrés, un sanctuaire a existé ici, aux premiers siècles de notre ère. Personnifiée sous le nom de Séquana, la déesse du fleuve était invoquée par les habitants de la région pour obtenir guérison de toutes sortes de maux. Voici un peu plus d’un siècle, une statue placée dans la grotte artificielle où jaillit la source principale a pris sa relève, sur l’initiative du baron Haussmann, car le site appartient à la ville de Paris.
Dans des pratiques tenant à la fois de la médecine, de la magie et de la religion, de nombreux ex-voto furent offerts à la divinité pour souligner une demande de guérison ou la remercier de celle obtenue. Ces objets, représentant pour la plupart des détails de l’anatomie humaine-des bras et des jambes, des yeux et des organes génitaux – étaient déposés pêle-mêle près de la source. Ils font aujourd’hui la gloire du Musée archéologique de Dijon, où ils voisinent avec des représentations de pèlerins, à la tenue caractéristique, et avec quelques oeuvres d’art de très belle qualité, notamment une statuette en bronze de Séquana dans une barque.
AUTUN, SOEUR ET EMULE DE ROME
La ville d’Autun – « Augustodunum » fut fondée par l’empereur Auguste qui offrit aux Eduens une nouvelle capitale, une ville conçue selon les normes romaines. Dés sa fondation, Autun reçut le privilège « d’être entourée de murs. Longue de 6 km, cette muraille est l’enceinte augustéenne ceinte la mieux conservée de France. Elle possède encore deux portes monumentales : la porte Saint-André, à l’est, quelque peu remaniée, et la porte d’Arroux, au nord, ornée d’élégants pilastres. A proximité, se trouve l’énigmatique « Temple de Janus ». Nul se sait à qui était dédié cet édifice de tradition indigène.
Tout autre est l’atmosphère qui règne au théâtre romain. Ce lieu de spectacle, préservé aux deux tiers, qui était le plus grand de son genre dans toute la partie occidentale de l’Empire romaine, reprend vie depuis une dizaine d’années. Chaque été au mois d’août, pour quelques soirées, ses rangées de sièges et ses voûtes moussues accueillent des milliers de spectateurs, qui viennent y voir jouer l’histoire antique de la ville. Des courses de chars aux manœuvres en formations des légionnaires romains, des incantations des druides aux flacons de parfums des patriciennes, l’Antiquité y est ressuscitée. De nombreux témoignages de la vie quotidienne à Augustodunum sont exposés au Musée Rotin, dans la ville haute, qui s’enrichit constamment de trouvailles fortuites comme des résultats de fouilles menées dans la ville.
SENS, VILLE DES SENONS
Sens, qui connut un essor considérable à l’époque gallo-romaine, doit son nom au peuple des Senons et s’appelait alors Agedincum cette vaste cité disposait d’un amphithéâtre, de thermes, d’un forum, ainsi que d’un aqueduc de 16 km de long. Au IVe s., elle devint capitale d’une province, de la IVe Lyonnaise. Des témoignages majeurs de sa splendeur passée sont conservés au musée de la ville, situé à l’ombre de la cathédrale et renommé à juste titre pour ses collections archéologiques. Lors des travaux d’installation du musée, une villa gallo-romaine a été découverte dans le sous-sol.
Consolidés et protégés, ses vestiges ont été conservés in situ et incorporés dans le circuit de la visite. La façade des thermes de la ville, reconstituée à partir des éléments architecturaux qui ont pu en être retrouvés, témoigne avec éclat du faste de ses édifices, démantelés à l’époque des invasions pour construire le mur de fortification. Sculptures et mosaïques, céramiques et verrerie donnent une image complète de la vie et de la pensée des Sénonais au faîte du rayonnement de la ville antique.
CAMPAGNES ROMANISÉES
Les campagnes aussi témoignent du passé antique de la Bourgogne. Le site des Fontaines-Salées, près de Vézelay dut sa fortune à des sources radioactives et… salées. Dès le 1er millénaire, les premiers puits furent creusés, pour profiter des vertus thérapeutiques confirmées de ces eaux. Réaménagées à partir du 1er s. av. J.-C., pour remplir des fonctions cultuelles, puis transformées en thermes gréco-romains au Ile s. ap. J.-C., elles furent arasées par les moines de Vézelay du fait de leurs connotations païennes. Oublié, le site ne fut redécouvert qu’en 1934… d’après une mention dans la chanson de geste de Girart de Roussillon. Saint-Romain, pittoresque village vigneron des Hautes-Côtes de Beaune, est lui-aussi l’héritier d’une longue histoire. Les témoignages sont exposés à la mairie : l’habitat gaulois, puis gallo-romain au pied de la falaise, le trésor enterré à l’arrivée des « barbares », la caverne, refuge à toutes les époques, mais aussi la préhistoire et l’histoire du château-fort démoli voici deux siècles. Le parcours du sentier archéologique propose des panneaux très instructifs et offre des points de vue superbes sur le village, le vignoble et les falaises.
L’HERITAGE DES MOINES
C’est en Bourgogne que sont nés les deux plus grands mouvements de réforme monastique du moyen âge :Cluny, puis Cîteaux furent, du Xe au XIIe siècle, des centres non seulement spirituels, mais aussi intellectuels, artistiques et même politiques de premier ordre pour toute l’Europe. De Vézelay à Paray-le-Monial, de Fontenay à la Charité-sur-Loire, des édifices majestueux témoignent de ce rayonnement. De la sobriété archaïque de Tournus à la profusion des sculptures d’Autun, toute l’aventure des bâtisseurs romans se lit dans les églises bourguignonnes. D’innombrables églises rurales, d’une infinie variété de styles, de pierres, d’atmosphères leur répondent partout, dans cette région qui doit aussi aux moines les plus beaux fleurons de ses vignobles, dont le célèbre Clos de Vougeot.
TOURNUS LA MARCHE VERS LA LUMIÈRE
Saint-Philibert de Tournus est la plus ancienne des grandes églises romanes de Bourgogne. Son immense façade, percée de rares ouvertures, témoigne des temps mouvementés qui l’ont vu naître. Par le narthex obscur, on pénètre dans la nef, extraordinairement lumineuse grâce à de grandes baies, empreinte de sérénité. La maçonnerie apparente des murs et des hautes piles rondes donne à l’édifice un caractère à la fois archaïque et très moderne. Le déambulatoire, la crypte, la chapelle Saint-Michel située au-dessus du narthex offrent au visiteur une succession de coups d’œil et d’atmosphères. La paix chaleureuse du cloître lui fera retrouver, non sans émerveillement, le monde extérieur, dans une atmosphère déjà méridionale.
AU COMMENCEMENT ETAIT LA PIERRE
Aux alentours de l’an mil, la Bourgogne est un immense chantier. Un peu partout, dans les châteaux et dans les villages comme dans des sites monastiques à l’écart du monde, surgissent des églises et des chapelles construites en pierre, avec une densité telle que les hommes de cette époque, pourtant pauvre en moyens de communication, s’en émerveillent : ils ont l’impression que la Chrétienté se couvre d’une blanche robe d’églises, comme écrit le chroniqueur dijonnais Raoul Glaber. Les exemples de ce premier art roman sont particulièrement nombreux en Mâconnais.
D’Ozenay à Saint-Vincent-des-Prés, en passant par Uchizy ou par Blanot, on rencontre ces édifices modestes construits de pierre calcaire, dans ce « petit appareil » qui accroche la lumière. Leurs clochers élancés contrastent avec les nefs trapues, souvent couvertes de laves. L’église Saint-Martin de Chapaize en est l’un des exemples les plus intéressants, avec ses piles rondes maçonnées, son chevet très soigné, son élégant clocher légèrement pyramidal. Cette église s’apparente à Saint-Philibert de Tournus, mais aussi à celle, disparue, de Cluny II. Non loin de Chapaize, Brancion, pittoresque nid d’aigle perché sur un promontoire au-dessus de la route qui va de Cormatin à Tournus, possède également une église romane. Cet édifice d’une grande sobriété, décoré de peintures murales, forme un ensemble harmonieux avec les halles médiévales et les maisons du vieux village que domine le donjon du château fort.
CLUNY PHARE DU MOYEN AGE
Un seul clocher se dresse encore, élégant et solide à la fois, dans le ciel bourguignon, témoin impressionnant de la grandeur et du déclin de l’abbaye qui fut la plus grande, la plus influente, la plus prestigieuse du Moyen âge.
L’abbaye de Cluny, fondée en 910, devait son rayonnement à la rigueur dans l’observance de la règle bénédictine, qui lui permit de soumettre à son autorité, au faîte de sa gloire, plus d’un millier de maisons comptant plus de 10 000 moines, de l’Angleterre à l’Italie et de la péninsule ibérique jusqu’au cœur de l’Allemagne. L’abbaye fut également servie par les fortes personnalités et la longévité de ses six premiers abbés. Le sixième d’entre eux, Hugues, originaire de Semur-en-Brionnais, fit reconstruire l’abbatiale qui devait rester, jusqu’au XVIe siècle, la plus grande abbatiale de la Chrétienté : avec cinq nefs et un grand narthex, un double transept et un chœur auréolé de chapelles rayonnantes, trente mètres de hauteur pour la voûte de la nef centrale et davantage encore pour les coupoles sous les clochers, elle offrait un somptueux écrin à la plus fastueuse des liturgies Ici, la beauté et la richesse du chant grégorien rivalisaient avec celles du décor sculpté et peint. Les papes, les rois et les empereurs étaient des hôtes réguliers de ce haut lieu de la spiritualité, mais aussi des arts et de la pensée, y compris dans le domaine politique. A peine un dixième – mais quel dixième !- de l’église ainsi que de nombreux bâtiments monastiques témoignent du rayonnement de ce « phare du Moyen âge » qui allait s’éteindre après l’avènement des cisterciens et des nouveaux ordres mendiants, si bien que son enveloppe de pierre put être en grande partie démolie après la Révolution française, à une époque où la notion de monument historique naissait à peine. Malgré les démolitions, la visite approfondie de Cluny et le circuit à la découverte des nombreux édifices représentatifs du style de Cluny offriront surprises et enchantements à qui saura se laisser tenter. Le visiteur de Cluny n’oubliera ni le Farinier de l’abbaye, où sont exposés les chapiteaux du chœur de l’abbatiale, ni le musée de la ville, qui abrite d’innombrables éléments sculptés provenant de l’église et de maisons romanes de la ville, formant un gigantesque puzzle de pierre. La présentation d’images de synthèse de l’église permet de mesurer ce que furent vraiment Cluny et son église disparue.
Une image colorée et vivante de l’art et du faste clunisiens est donnée par la chapelle, toute proche, de Berzé-la-Ville où se trouvait la résidence d’été des abbés de Cluny. Reconstruite également sous l’abbé Hugues, elle est contemporaine de Cluny III et possède encore – témoignage rarissime – son décor peint dans ce même style qui prévalait alors à Cluny. Le grand Christ en gloire sur fond bleu, entouré des apôtres, est tout à fait représentatif d’un raffinement hérité de Rome. Cet édifice de dimensions modestes est entouré de l’un des paysages les plus beaux de Bourgogne.
PARAY-LE-MOINIAL ET LE BRIONNAIS
Un peu plus loin à l’ouest, les églises du Brionnais racontent aujourd’hui encore l’architecture et la sculpture caractéristiques de Cluny. La principale étape sera forcément Paray-le-Monial, ville monastique qui s’est développée à l’ombre d’un prieuré clunisien. Sa basilique romane, aujourd’hui placée sous le vocable du Sacré-cœur, donne une image complète, bien que de dimensions réduites, de ce que fut Cluny. On retrouve ici l’élévation à trois étages et le jeu de la lumière entrant par les fenêtres hautes, particulièrement subtil dans le chœur. A la solennité de la basilique répond la paix du cloître adjacent, reconstruit au XVIIIe siècle mais en parfaite harmonie avec l’église. Si la basilique de Paray semble peu ornée de sculptures – en fait, son portail nord est un joli exemple d’ornementation romane, même en l’absence de tympan figuratif – celles-ci se trouvent à profusion dans de nombreuses autres églises de cette région fortement marquée par la présence de Cluny. L’église Saint-Hilaire de Semur-en- Brionnais , où l’on retrouve, chose insolite, la tribune en encorbellement au-dessus du portail occidental qui existait à Cluny, se dresse à l’ombre du donjon qui vit naître le futur saint Hugues. Si les sculptures de ce portail témoignent du déclin de l’art roman après le milieu du XIIe siècle, celles de Saint-Julien-de-Jonzy, non loin de là, sont l’expression d’un dernier flamboiement, quasi baroque, de la sculpture romane à la même époque. Les deux tympans reprennent le thème, cher à Cluny, du Christ en gloire dans la mandorle portée par deux anges aux ailes déployées. Le même thème encore se retrouve à Anzy-le-Duc, resté pourtant hors de la mouvance clunisienne, ainsi qu’à l’église paroissiale voisine de Montceaux-l’Etoile. Au total, ce petit pays brionnais recèle à lui seul une trentaine d’églises et de chapelles entièrement ou partiellement romanes, reliées entre elles par un circuit fléché. Plus au nord, en Charolais, Perrecy-le-Forges, Mont-Saint -Vincent et Gourdon sont les édifices phares d’une profusion d’églises romanes qui restent pour la plupart à découvrir, tandis que le prieuré clunisien de Charolles a déjà trouvé une nouvelle jeunesse.
LA CHARITE
Fondée en 1059 aux bords de la Loire, le prieuré clunisien de la Charité était le noyau autour duquel s’organisait, au cours des trois siècles suivants, l’essor de la petite cité, étape sur le chemin de saint- Jacques-de-Compostelle. Son vieux pont de pierre, attesté dés 1520, conduit tout droit au cœur de son centre historique, serré autour du monastère et dominé aujourd’hui par la haute sihouette de la tour Sainte-Croix. Cet ancien Clocher roman est séparé de l’église Notre-Dame depuis le XVIIe siècle, époque qui vit la restauration de l’édifice après plus de deux siècles marqués par les guerres et les incendies. Si la nef actuelle est de cette époque, le chœur et le transept ont gardé toute l’élégance de leur architecture des XIe et XIIe siècles, et toute la richesse de leur décor sculpté, notamment une remarquable série de chapiteaux auxquels il faut ajouter deux tympans qui ont contribué à la renommée de cette église, récemment inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. D’un tout autre style que les chapiteaux, ces œuvres des alentours de 1140 ont été rapprochées du Portail Royal de chartres, de la même époque.
VEZELAY : LA COLLINE ETERNELLE
Vézelay, la « colline éternelle », était le lieu de pèlerinage par excellence : point de départ, lieu de rassemblement des Croisés comme de qui cheminaient vers Compostelle, mais aussi et avant tout aboutissement, but de ceux qu’attiraient les reliques de sainte Marie-Madeleine. Fondée dès le milieu du IXe siècle par Girart de Roussillon, dans la vallée de la Cure à Saint-Père, l’abbaye fut déplacée sur la colline dès 887 pour la protéger des attaques des Normands. Les foules y affluaient à partir du XIe siècle, après l’authentification papale de reliques vénérées comme celles de la compagne du Christ. En gravissant la pente, par la rue légèrement courbe qui monte vers l’église, entre deux rangées de maisons de tous les siècles, serrées les unes contre les autres au-dessus des caves voûtées qui abritaient jadis les milliers de pèlerins convergeant ici, on imagine sans peine la foule bigarrée des pénitents et des éclopés, des princes et des soldats, des prêcheurs et des marchands qui affluaient en ce lieu, marée humaine jetée sur les chemins au gré des fêtes annuelles et des événements exceptionnels : la prédication de la seconde croisade par saint Bernard en 1146, le départ de la troisième, sous la conduite des rois Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion en 1190, auxquels succéda saint Louis en 1248 et 1270, mais aussi, tous les ans, la fête de sainte Marie-Madeleine le 22 juillet. C’est le 21 juillet 1120 que se déclara le terrible incendie qui détruisit la vieille nef carolingienne de l’église, faisant de nombreuses victimes. La reconstruction, à une époque particulièrement mouvementée de l’histoire de Vézelay -le monastère était en pleine lutte contre l’autorité de Cluny et la population locale périodiquement en révolte contre celle de l’abbé -aboutit à l’édifice que nous connaissons, chef-d’œuvre de l’art roman, classé Patrimoine Mondial par l’UNESCO.
Avec ses grandes fenêtres claires, il est d’une luminosité remarquable, qui va croissant vers l’est, de la légère pénombre du narthex à la nef rythmée par des arcs-doubleaux bicolores et jusqu’au chœur reconstruit en style gothique peu après 1200 inondé de lumière. La luminosité met particulièrement en valeur l’extraordinaire décor sculpté de cet édifice exceptionnel.
LA RONDE DES SAINTS ET DES ANGES DÉCHUS
Vézelay possède l’un des ensembles de sculptures les plus remarquables que l’art roman ait créés. Les piliers de la nef comme ceux du narthex sont ornés de chapiteaux où apparaissent tous les thèmes chers aux sculpteurs romans. Le chef-d’œuvre d’entre tous est sans conteste le chapiteau du « Moulin mystique » qui résume, à lui seul, toute la Bible. A la profusion des chapiteaux répond la majesté des tympans du narthex, que domine le Christ en gloire du portail central, entouré des apôtres dans une représentation saisissante du miracle de la Pentecôte, l’une des oeuvres les plus grandioses de toute l’époque romane, due au même ciseau que le chapiteau du « Moulin mystique ». Le portail de Saint-Lazare d’Avallon, avec son exubérant décor-annonciateur déjà de l’art gothique-et les chapiteaux de Saint Andoche de Saulieu, d’une grande expressivité, jalonnent la route de Vézelay à Autun. On retrouve d’ailleurs, à Saulieu, comme à Autun, une série de thèmes chers aux sculpteurs romans, traités dans ce style à la fois fervent et humain qui fait le charme de la sculpture bourguignonne de cette époque. La cathédrale d’Autun, construite après 1120 pour accueillir les pèlerins qui affluaient au tombeau présumé de saint Lazare, frère de Marie-Madeleine, est l’autre haut lieu de la sculpture romane en Bourgogne. Ici aussi, toute une floraison de chapiteaux, pour la plupart figuratifs, orne les piliers de la nef. Lors des restaurations de l’église au XIXe siècle, une vingtaine d’entre eux a été remplacée par des copies. Les originaux sont maintenant bien visibles, à hauteur d’homme, dans la salle capitulaire. La Fuite en Egypte, le Songe des Mages, l’Adoration sont les scènes les plus touchantes, plus humaines que naïves, de l’art de celui qui signa – chose rarissime au Moyen âge – son oeuvre maîtresse, le jugement dernier, au tympan du portail principal : Gislebertus. Quelques sculptures majeures, essentielles même, de la cathédrale se trouvent aujourd’hui au Musée Rotin voisin, notamment une autre oeuvre de Gislebertus, Eve – le premier nu féminin de la sculpture européenne médiévale, d’une sensualité saisissante, provenant du portail latéral de la cathédrale, démoli, où était figuré le Péché original.
Trésors des villes
Le Moyen âge, époque de grande essor urbain, a doté la Bourgogne d’une multitude de villes, petites et grandes, qui constituent autant de trésors à découvrir. Dijon, bien sûr, capitale ducale devenue régionale, qui offre au visiteur un centre historique entièrement préservé. Beaune, flamboyante ville d’art tout en étant dédiée aux nobles métiers de la vigne et du vin. Mais aussi les nombreuses villes nées des fleuves et des rivières qui ancrent la Bourgogne dans l’espace, de Joigny à Mâcon et de Nevers à Auxonne, sans oublier les toutes petites cités pleines de charme moyen-âgeux.
Qui veut embrasser, d’un seul regard, tout le centre historique de Dijon, monte sur la , Tour Philippe le Bon. Elle doit son existance au troisième des quatre « Grands Ducs d’Occident » issus de la maison de Valois, qui régnèrent sur les Etats bourguignons pendant plus d’un siècle, de1364 à 1477 : Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles IeTéméraire. C’est sous leur règne que la Bourgogne atteignit l’apogée de son rayonnement politique et culturel, symbolisé par la Toison d’Or, emblème de l’ordre de chevalerie fondé par Philippe le Bon en 1429. Du Mâcon nais à la Flandre, la puissance bourguignonne s’inséra progressivement entre le royaume de France et le Saint Empire germanique, constellant les territoires qui lui étaient soumis des oeuvres du mécénat de ses princes et de leur entourage. Si leur souvenir est resté vivace dans bien des contrées lointaines, la Bourgogne elle-même a conservé, de ce fastueux «automne du Moyen âge», des traces alliant, dans un même flamboiement doré, les trésors de ses de ses musées et les tuiles vernissées de ses toits colorés.
Au premier rang de ces lieux d’art et de mémoire figurent Dijon et Beaune, les anciens centres du pouvoir ducal.