A environ 160 Km au sud de Tunisie et à une cinquantaine de km au sud-ouest de Sousse se trouve la ville de Kairouan (la ville-camp/campement en langue Arabe). Première ville sainte du Nord d’Afrique, Kairouan est la capitale spirituelle de la Tunisie. La grande médina est encore entourée de ses remparts de pierre, son dédale de rues abrite des trésors : Maisons traditionnelles aux portes cloutées, zaouïas, échoppes aux étals colorés… La Grande Mosquée est le plus ancien édifice religieux du monde musulman occidental. Occupant une position centrale qui fait d’elle une ville carrefour, la ville de Kairouan, au passé prestigieux, se dessine comme un mirage surgissant de l’immensité des plaines steppiques.

Kairouan

Première cité musulmane construite en Afrique du Nord, son rayonnement culturel et scientifique parvient, dès le IXe siècle, aux confins de l’Europe et de l’Asie. Kairouan  fut fondée en 670 et édifiée à partir de matériaux de remploi provenant des ruines romaines qui jalonnaient la contrée.

Le commandant des premières armées qui déferlèrent sur le Maghreb dans le cadre des expansions musulmanes en Afrique, Oqba Ibn Nafaa, implanta au centre  la Grande  mosquée  et fonda la ville  à côté de laquelle il installa un palais et jeta les bases de l’artère  principale. Il distribua des parcelles de terrains à ses soldats et la ville commença alors son extension.

Au Xe siècle, le diamètre de la ville atteignait 4km, et elle comptait  déjà plus de cent mille habitants, une quinzaine  d’artères partaient de la grande mosquée, selon une configuration circulaire qui rappelait celle de Baghdad. Après une naissance douloureuse, marquée par les menées berbères  contre la ville conduites par la Kahéna,  Kairouan prospéra  à l’ère de la dynastie des Aghlabides qui en firent l’une des  plus grandes métropoles de la Méditerranée, rivalisant avec Cordoue et Foustat (en Egypte).

Kairouan, ville d’intellectuel, de savoir et de culture, rayonna sur tout le  Maghreb. Une  académie y fut fondée dès le IXe siècle, qui  se spécialisa dans la traduction, l’astronomie, la géométrie, la médecine et l’arithmétique. Mais l’un des aspects marquants de la contribution de Kairouan fut le rôle spirituel qu’elle a joué  dans la  consolidation de la foi musulmane dans la région. Mais  bientôt  vinrent les épreuves.

La ville résiste aux assauts des Fatimides, les contraignant à fonder leur capitale à Mahdia. Affaiblie  par la guerre civile que se livrèrent les fractions antagonistes, elle  succomba sous les assauts des Hilaliens qui la détruisirent et la pillèrent en 1057. La ville connut une renaissance relative avec les Hafsides, au XIVe siècle, puis avec  les Husseinites mais sans retrouver son ancienne place de première ville. En 1861, la ville ne couvrait que le quart de ce qu’elle avait été et ne comptait plus que 12 mille habitants. Aujourd’hui, avec plus de cent mille habitants, Kairouan a retrouvé un rôle rayonnant sur la plan culturel.

Lors d’une visite promenade, le visiteur dans la ville ancienne (La Medina), enceinte d’imposants remparts, sera éblouit par la vive présence de la tradition. Dans les vêtements des Kairouanais, avec leur emprunte spéciale en beauté et savoir-faire, jebba de soie ou de toile immaculée , hayek de fine couleur paille dans les gestes ancestraux des artisans courbés sur un plateau de cuivre qu’ils achèvent de sertir de fil d’argent, dans les méandres et étonnamment calmes où l’on peut surprendre parfois derrière la porte d’une maison les chuchotements d’une équipe de tapissières.

On peut déguster, à la place Halfaouine, un thé à la menthe, un café « turc » délicatement parfumé à l’eau de rose ou à l’essence de fleurs d’oranger avant d’aller saluer le chameau du célèbre puits de Barrouta, qui fait sa ronde inlassablement les yeux bandés, actionnant une Noria et ramenant une eau fraiche, celle que les anciens habitants de la ville, croyaient provenir d’un long voyage depuis les terres saintes d’Arabie.

Architecture et urbanisme

Kairouan est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988, répondant à cinq des six critères d’évaluation. Pour être classé au patrimoine mondial, il suffit qu’un site réponde à un seul des six critères et parmi les sites classés à travers le monde, rares sont ceux, comme le cas de Kairouan, ayant répondu à cinq critères. La Grande Mosquée est l’un des monuments majeurs de l’islam et un chef-d’œuvre de l’architecture universelle. Elle a servi de modèle à plusieurs mosquées maghrébines en particulier pour ce qui concerne les motifs décoratifs. La mosquée des Trois Portes, construite en 866, est la plus ancienne des mosquées à façade sculptée. Kairouan offre également un témoignage exceptionnel sur la civilisation des premiers siècles de l’hégire dans la région d’Ifriqiya et son architecture islamique traditionnelle, associée à sa configuration spatiale, est devenue vulnérable sous l’effet des mutations économiques et constitue un patrimoine précieux. Kairouan est enfin l’une des villes saintes et des capitales spirituelles de l’islam.

La Grande Mosquée de Kairouan

La Grande mosquée Kairouan, Tunisie

La Grande Mosquée de Kairouan, aussi connue sous l’appellation de la mosquée d’Oqba, représente l’emblème de la ville et constitue le plus ancien et le plus prestigieux monument islamique de l’Afrique du Nord. Cette mosquée est également considérée comme l’une des plus belles et des plus harmonieuses réalisations architecturales de l’Islam. Elle a été construite vers 670 par le conquérant de l’Afrique du Nord, Oqba Ibn Nafi, à proximité du campement de ses armées. Elle est agrandie à plusieurs reprises par les dynasties qui vont se succéder en Tunisie. Sous le règne des Aghlabides, c’est surtout à Ziadet Allah Ier et Aboul Ibrahim que l’on doit les extensions de la mosquée. Ibn Nadchi, mort en 1433, le plus illustre historien et prédicateur local de son époque, rapporte que c’est sous le règne d’Aboul Ibrahim que le mihrab (Une niche qui indique la Qibla, c’est-à-dire la direction de la Mecque vers où se tournent les musulmans pendant la prière) a pris sa forme définitive. C’est également à Aboul Ibrahim qu’est attribuée l’extension de la salle de prière pour offrir une nef plus large supportant une nouvelle coupole dans l’axe de la cour intérieure. En dépit de multiples mesures modificatives, le cœur ancien de la Grande Mosquée est resté aujourd’hui dans sa forme originelle datant de l’époque des Aghlabides (au cours du IXe siècle). Le Minaret à trois étages dégressifs, le dernier est coiffé d’une coupole côtelée, est l’une des empruntes architecturale du monument.

Dans sa forme définitive, la mosquée s’étend sur 125 mètres de long et 73 mètres de large. Elle appartient au type architectural de la mosquée de cour. La salle de prière supporte deux coupoles dont l’une est disposée au-dessus du mihrab aménagé au milieu du mur de la qibla, partie la plus ancienne, tandis que l’autre coupole a été construite lors de l’extension de la mosquée, au-dessus d’une galerie à arcs outrepassés axée sur la grande cour intérieure. La salle de prière se compose de 17 nefs dans le sens de la longueur, sept travées et un transept. La nef centrale mène au mihrab, niche de forme semi-cylindrique soigneusement ornée.

Juste à côté s’élève le minbar original à onze marches. Ses parois latérales ont été montées en caissons très ouvragés en bois de teck importé d’Inde. Ce minbar, réalisé vers l’an 862, est considéré comme la plus ancienne chaire du monde musulman. Au centre de la niche de prière, habillée de panneaux de marbre, on peut lire la 112e sourate du Coran, rédigée en calligraphie Kufi, avec l’invocation jointe du prophète, eulogie sur le modèle exact de l’inscription intérieure au Dôme du Rocher de Jérusalem. À proximité du minbar, est édifié la maqsura, siège de l’imam disposant d’un accès particulier. Le bâti décoratif en bois avec sa dédicace de fondation constitue l’un des plus beaux témoignages de l’art musulman.

Le minaret, massif et agrandi à deux reprises, atteint désormais trois étages et se dresse face à la salle de prière, au milieu du portique nord de la cour. Sa forme tire son origine d’une tour de défense dotée de postes de tir. À l’origine, la mosquée n’avait aucun minaret. Datant du VIIIe-IXe siècle, ce minaret est le plus ancien au monde qui soit toujours intact.

Une partie des matériaux de construction, essentiellement les colonnes et les chapiteaux de la salle de prière, en marbres,  ainsi que les colonnes soutenant les arcades des galeries entourant la cour, proviennent de sites antiques romains et byzantins de la Tunisie, notamment ceux de Sbeïtla et Carthage.

La Mosquée des Trois Portes

La Mosquée des Trois Portes de Kairouan

Ce monument est située dans la vieille ville, entre le marché aux laines et le rempart sud, était appelée à l’origine Mosquée de Mohammed ibn Khairun par les historiens locaux. On rapporte que la fondation de la mosquée a eu lieu en l’an 866, sous ordre de Mohammed ibn Khairun al-Andalusi, bâtie de briques cuites, de plâtre et de marbre et y fit aménager des citernes.

La mosquée doit à sa façade décorative d’être considérée comme l’un des plus beaux modèles de l’architecture islamique. La façade, haute de sept mètres, est ornée de trois inscriptions dont la première est une citation des versets du Coran.

La Mosquée du Barbier

La Mosquée du Barbier Mausolé Sidi Sahabi Kairouan

Plus connue sous l’appellation de Mausolée de Sidi Sahbi, est en fait une zaouïa qui se trouve hors les murailles de la médina. Il s’agit d’un vaste ensemble architectural construit au cours du 8ème siècle. C’est le bey Hammouda Pacha Bey qui fait construire le mausolée, la coupole et la cour alors que le bey Mohamed El Mouradi fait ajouter les bâtiments annexes, le minaret et la médersa (école coranique) constituée d’un oratoire, d’une salle d’ablution et de chambres destinées aux étudiants. La population y vénère un saint local de Kairouan, Abou Zamaa el-Balaoui, un compagnon du prophète Mahomet. Selon la légende, il était le coiffeur du prophète et il aurait conservé trois poils de la barbe de ce dernier, d’où l’appellation donnée à l’édifice. Au 17ème siècle une coupole fut édifiée au-dessus du tombeau et l’on a adjoint à la cour intérieure une petite médersa et des locaux pour accueillir les visiteurs du tombeau.

Les Bassins des Aghlabides

Les Bassins des Les Aghlabides de Kairouan.

Le calife omeyade Hicham ben Abd al-Malik donna l’ordre, de construire quinze bassins pour alimenter la ville en eau. Mais les bassins des Aghlabides, les plus célèbre, fut édifié par le souverain Aghlabide Abou Ibrahim entre 860 et 862. C’est un réservoir constitué de deux citernes circulaires découvertes et communiquant entre elles. Le grand bassin est en forme de polygone de 64 côtés mesurant 129,67 mètres de diamètre. Il sert parfois comme bassin de plaisance et de divertissement. Le petit bassin est un polygone simple de 17 côtés faisant 37,40 mètres de diamètre.  Les eaux de débordement du grand oued de la région, Merguellil, étaient recueillies dans le plus petit bassin où elles décantaient avant de transiter par le grand bassin pour alimenter en partie la ville.

Artisanat

On raconte qu’aux premiers siècles de l’ère islamique, l’émirat Aghlabite de Kairouan (800-909) payait partiellement le tribut de souveraineté au calife de Bagdad en tapis. Le célèbre tapis de Kairouan est un mélange d’art, de savoir-faire et d’héritage. La ville reste le principal centre de fabrication du pays. Au début du XXe siècle, la qualité du tapis se dégrade en raison du mauvais usage des teintures artificielles, ce qui conduit une famille kairouanaise à produire un nouveau type de tapis noué à la main qui reprend les couleurs de la laine de mouton et dont un champ hexagonal occupe le centre au moyen d’un motif en forme de losange. Peu à peu, le Alloucha évolue vers plus de complexité et de polychromie, la texture augmente et les influences perses se font sentir avec l’apparition du Zarbia reconnaissable à sa couleur brun-rouge.

Le Tapis de Kairouan

Le tapis de Kairouan est un tapis de points noués non tissé fabriqué à base de laine de mouton ou de coton pour la trame et la chaîne  et plus rarement de lin. Il est parfois coloré dans les teintes naturelles du blanc au marron en passant par le gris beige lorsqu’il est de type Alloucha. La laine est toujours épaisse, car c’est celle du mouton, mais le poil du dromadaire ou de la chèvre est parfois utilisé. Les motifs sont géométriques ou parfois des fleurs stylisées, donnant à l’ensemble un aspect symétrique avec prédominance de la forme du losange.

Le Musée national d’art islamique de Raqqada

Raqqada est le site de la seconde capitale princière de la dynastie des Aghlabides (IXe siècle) située à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de de la ville de Kairouan et se présente aujourd’hui sous forme de vestiges plus ou moins bien conservés intégrés dans un parc d’une vingtaine d’hectares dans lequel a été érigé, dans les années 60, un palais présidentiel qui, depuis, a été reconverti en musée et en centre de recherches spécialisé dans la civilisation islamique en Tunisie.

La salle d’entrée du musée a été consacrée à la Grande Mosquée de Kairouan dont une superbe maquette en bois réalisée à l’échelle avec une coupe au niveau du minaret et de la nef axiale, ce qui permet au visiteur de découvrir les diverses particularités architecturales qu’une visite n’autorise pas. En face de cette maquette, une copie du mihrâb (niche indiquant la direction de la Mecque) de la Grande mosquée.

La salle d’entrée est suivie de celle dite de la céramique où est exposée une importante collection d’objets en céramique d’époques Aghlabide  et Fatimide  provenant essentiellement des sites de Raqqâda et de Sabra. Vient ensuite la salle des monnaies avec une très importante collection de pièces de monnaies retraçant l’histoire économique de l’Ifriqiya durant plus de six siècles.

La plus belle salle du musée est celle dite à coupole qui retient l’attention des visiteurs par la minutie de son ornementation, ses vitraux et sa vue sur le parc. Dans cette salle sont exposées de précieuses pièces en verre, d’une beauté magnifique, en plomb et en bronze.

La salle dite des Corans, enfin, renferme des feuillets de Coran sur parchemin : la diversité des formes, l’élégance de la calligraphie dans divers styles, l’extrême richesse de leur ornementation font de cette collection un trésor inestimable et exceptionnel.

Horaires d’ouverture:

Du 01/09 au 30/06 : 09.00 – 16.00 Vendredi :9:00-12.00
Du 01/07 au 31/08 : 08.15 – 14.15
Fermé Lundi

Droits d’entrée: 5 DT