Caen Bayeux, région où les Anglais et les Français semblent si différents – du moins superficiellement – à la fois dans leur culture et leur caractère, qu’il est facile d’oublier à quel point l’histoire des deux pays est étroitement liée. Bien que l’Angleterre moderne ait des bases anglo-saxonnes, elle fut profondément influencée par l’énergie et l’esprit d’entreprise des Normands et par les structures administratives qu’ils ont imposées. La conquête normande et les luttes des rois anglo-normands pour affirmer leur indépendance vis-à-vis du Royaume de France, furent des étapes essentielles dans l’évolution de l’Angleterre comme état-nation.
Un homme extraordinaire, Guillaume le Conquérant (1027-1087), fut à l’origine de ce processus dès le XIe siècle. Alors que Guillaume n’avait que six ans, son père, Robert le Magnifique, Duc de Normandie, entreprit le périlleux voyage vers la Terre Sainte dont il ne devait jamais revenir. En dépit de leurs serments de loyauté au jeune Guillaume, les barons normands, en luttes constantes, plongèrent le duché dans le chaos pendant des années. Guillaume survécut à plus d’un complot et dès l’âge de dix-neuf ans imposa sa volonté sur-le-champ de bataille. Dans les années qui suivirent, il réussit à asseoir son autorité dans son duché, et c’est grâce à sa force physique et à son habileté politique et militaire qu’il put s’emparer de la couronne anglaise en 1066. En envahissant le pays après l’époque romaine, les Anglo-Saxons avaient donné naissance à l’Angleterre, tout comme les ancêtres nordiques de Guillaume avaient créé la Normandie en s’installant dans le nord de la France au Xe siècle. Le roi anglais Édouard le Confesseur avait passé des années d’exil en Normandie, alors que l’Angleterre était aux mains des Danois.
Il avait promis que sa couronne irait un jour à Guillaume, et Harold Godwinson, son successeur naturel, avait fait le serment sur le sol normand de ne pas s’y opposer. Mais, à la mort d’Édouard, l’aristocratie anglaise rejeta l’idée d’un roi étranger, et Harold s’empara du trône. Outragé par la « trahison » de Harold, Guillaume fit appel à ses puissants amis, parents et alliés et, avec l’appui de l’église, rassembla une flotte impressionnante qui quitta St Valery-sur-Somme le 27 septembre 1066.
CAEN BAYEUX, FALAISE
Le circuit Guillaume le Conquérant débute de l’autre côté de la Seine. Sur les traces du duc, on découvre de puissantes forteresses et de remarquables abbatiales, ainsi que la magnifique Tapisserie de Bayeux gui a immortalisé la conquête de l’Angleterre.
FALAISE
NAISSANCE DU DUC DE NORMANDIE, FUTUR ROI D’ANGLETERRE
C’est au château fort de Falaise, lieu de résidence ducale, que naît Guillaume en 1027. Il est le fils unique mais illégitime du 6ème duc de Normandie, Robert le Magnifique, et d’Arlette, fille d’une famille modeste de tanneurs de Falaise. Le duc le chérit et l’élève « tout aussi noblement que s’il était né d’une épouse » et le nomme héritier du duché de Normandie. La mort prématurée de son père à 25 ans, lors d’un pèlerinage en Terre sainte à Jérusalem, fait de Guillaume « le Bâtard » un duc dès l’âge de huit ans.
LE CHÂTEAU
A cette époque, Falaise est une des villes fortes du Duché. Le château que l’on voit actuellement est très représentatif de l’évolution des donjons-palais rectangulaires que Guillaume et ses successeurs se firent construire en Normandie et en Angleterre. La Tour de Londres, les châteaux de Castle Rising, Norwich et Caen sont d’autres exemples de ces monuments conçus pour être à la fois des résidences seigneuriales et des forteresses imprenables.
CAEN
DERNIÈRE DEMEURE DE GUILLAUME ET DE MATHILDE
A partir de 1060, le duc Guillaume fortifie l’éperon rocheux qui domine la ville de Caen et entreprend la construction de ce qui va devenir l’une des plus grandes enceintes fortifiées de l’Europe médiévale. Avec sa femme Mathilde de Flandre, il suit les chantiers des deux plus importantes fondations religieuses du XIe siècle : l’Abbaye de la Trinité (Abbaye aux Dames) fondée en 1059 par la duchesse Mathilde, et l’Abbaye de Saint-Etienne (Abbaye aux Hommes) fondée en 1063 par son époux. Ces chefs d’œuvre de l’architecture romane normande, entièrement édifiés dans la blanche et célèbre pierre de Caen, ont été mis en valeur par de nouvelles constructions tout au long des siècles. On peut y voir les tombeaux de Guillaume et Mathilde qui comptent parmi les rares souverains anglais à ne pas être enterrés dans l’église de Westminster.
BAYEUX
LA TAPISSERIE
Si la ville a conservé une partie de sa cathédrale de l’époque du Conquérant, elle possède surtout la célèbre Tapisserie de Bayeux exécutée entre 1067 et 1077. Cette gigantesque « bande dessinée » bordée sur une toile longue d’environ 70 mètres et haute de 50 centimètres, raconte l’histoire de la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie. Elle fut sans doute commandée par Odon, évêque de Bayeux, à un atelier anglais afin d’orner sa cathédrale nouvellement reconstruite.
LE SERMENT
Guillaume fit prêter à Harold plusieurs serments de fidélité dont le caractère sacré était unanimement reconnu au XIème siècle. L’un d’entre eux eut lieu à Rouen, un autre à Bonneville-sur-Touques. Le plus célèbre fut prêté à Bayeux, probablement au château, mais sur des reliques apportées de la cathédrale. C’est celui qui est représenté à la scène 23 de la Tapisserie de Bayeux. Par ce serment, selon les auteurs normands, Harold promettait d’assurer à Guillaume la possession du royaume d’Angleterre à la mort d’Edouard. Cependant, lorsque celui-ci mourut le 5 janvier 1066, Harold se fit proclamer roi, rompant ainsi tous les serments qu’il avait prêtés en Normandie et devenait parjure.